
Nous allons aujourd’hui aborder un sujet dont peu de journalistes parlent et qui, à bas bruit, pourrait bouleverser la notion de propriété : il s’agit de la loi Lagleize.
Retour sur la genèse de cette loi
En février 2019, le gouvernement mandate le député Jean-Luc Lagleize, lui demandant de mener une réflexion sur le coût du foncier et sur la possibilité d’endiguer la hausse des prix de l’immobilier tout en renforçant l’offre de logements proposée aux Français, en zones tendues notamment.
Jean Luc Lagleize propose alors 42 recommandations. Après 1 an d’étude, en novembre 2019, cette loi est votée à l’Assemblée nationale.
Bloquée dans un premier temps par les sénateurs puis par la crise Covid, elle est aujourd’hui dans les cartons mais susceptible d’être remise à l’ordre du jour à tout moment.
Alors quel est l’objectif d’origine de cette loi ?
Il s’agit d’un droit de propriété qui se focalise sur une séparation entre le bâti et le foncier. Cette loi a pour objectif principal de faire baisser le prix du foncier qui est resté à la hausse depuis plusieurs années.
Ce démembrement de la propriété du bâti avec celle du foncier s’inscrit dans le sillage des Organismes de Foncier Solidaire (OFS) introduits par la loi Alur en 2014. Il s’agit d’un outil législatif innovant pensé pour alléger le coût de l’accession sociale et sanctuariser les aides à la pierre.
A l’origine, ce démembrement devait aider les plus modestes à accéder à la propriété mais la loi Lagleize va plus loin en élargissant le dispositif à des ménages dont le plafond de ressources dépasse celui de l’accession sociale.
Comment cela se traduirait dans la réalité ?
Concrètement, le terrain resterait la propriété d’organismes fonciers financés par des fonds publics et privés. Ces derniers deviendraient des bailleurs. En tant que tels, ils délivreraient des baux aux nouveaux accédants à la propriété. En échange d’un loyer mensuel, les propriétaires pourraient construire un nouveau logement sur le terrain ou acquérir un bien déjà construit. Le prix d’acquisition serait donc systématiquement moins élevé que le prix du marché. La différence serait de l’ordre de 30 à 40% en fonction des biens, de la superficie, des quartiers et des villes.
L’impossibilité d’acheter en zones tendues signifie pour les ménages modestes un éloignement avec les services mais aussi et surtout avec les bassins d’emploi et les pôles d’enseignement supérieur, cette loi viendrait donc tenter de corriger ces inégalités, ce qui en soit est une intention très louable.
Oui mais voilà …
Après la première adoption de la loi Lagleize, le mécanisme pourrait donc se généraliser à tous les Français et ne plus être uniquement réservé aux ménages les plus modestes.
Alors rassurez-vous, ce ne sera pas rétroactif mais cela peut préfigurer le futur !
En résumé, si la loi s’applique dans sa globalité, les futurs accédants ne seront propriétaires que de leur maison mais le terrain ne leur appartiendra pas, et ils devront payer un loyer pour l’occupation de ce terrain (c’est encore en débat pour les appartements).
Et du point de vue de la transmission, quelles sont les éventualités ?
Pour le moment cela ne semble pas clairement statué. Ce pourrait être selon vos revenus et ceux de vos enfants car ce dispositif est soumis à des niveaux de revenus maximum.
Si vos enfants sont en dessous de ce plafond, pas de problème, la transmission s’effectuerait normalement, cela s’appelle un bail rechargeable. En revanche, si vos enfants sont au-dessus de ces plafonds, le bien ne leur serait pas transmis, celui-ci serait revendu à celui qui porte le terrain et remis en vente sur le marché (voir A quoi sert la loi Lagleize ? Avec Norbert Fanchon).
Alors sur le fond cette loi dans sa quête d’origine incarne une noble cause, mais il ne faudrait pas qu’elle soit en arrière-plan un nouveau moyen, après la disparition de la taxe d’habitation, de taxer la propriété qui l’est déjà à de nombreux endroits (frais de notaires à l’acquisition, taxe sur la construction, taxe foncière…).
Il ne faudrait surtout pas que la réelle intention soit de tout simplement supprimer l’idée même de propriété privée.
On l’a bien compris, en réalité les décisions prises par nos gouvernants ne sont pas toutes auréolées de bienveillance, loin s’en faut, alors ne soyons pas inutilement alarmistes mais restons prudents, un homme avertit en vaut deux…