Singapour ou  l’effondrement du mythe de l’immunité vaccinale ?

Sur la petite île-état disciplinée et fort bien vaccinée, la reprise épidémique oblige les analystes à d’intéressantes contorsions de logique pour conserver intact le mythe vaccinal.

Singapour, petit état de 6 millions d’habitants recroquevillé sur une île de petite surface, densité de 8000 habitants par km2, relié au continent par un passage routier et ferroviaire. Un des PIB les plus élevés au monde, un des dragons économiques; espace multiculturel, aux trois quarts peuplé de chinois qui impulsent la vie économique et politique, à travers le ‘People’s Action Party’, au pouvoir depuis l’indépendance de 1965. Aucun rival possible; un pouvoir pour le moins autoritaire dans toutes les composantes de la vie sociale, qu’on peut illustrer avec un humour grinçant par le logo ‘Singapore is a FINE country’ (note du traducteur : ‘fine’ = amende).

Un média en langue anglaise, The Straits Times, bien positionné pour véhiculer la propagande gouvernementale de par sa diffusion et son implantation historique. La situation épidémiologique de ce pays mérite une attention particulière : c’est le but de cet article.


En effet, c’était l’un des pays qui semblait avoir le mieux réussi à maîtriser l’épidémie Covid. Les données brutes :

Avant octobre 2021 seuls 95 morts étaient à déplorer : 26 morts à la mi-mars avant l’arrivée du vaccin, 22 de plus au 1er septembre.

Le malaise est patent; vitrine exemplaire, pas d’épidémie, une vaccination poussée et l’épidémie s’emballe quand 92% de la population  des plus de 12 ans est vaccinée.

Début septembre, reprise de l’épidémie :  47 décès pour ce seul mois, pour arriver au chiffre de 264 au 20 octobre, soit 169 décès supplémentaire en moins de 3 semaines.

En parallèle la vaccination décolle mi-mars 2021, avec une croissance rapide à partir de fin mars : 40% de personnes complètement vaccinées début juillet, 80% fin août, 84% au 20 octobre. Le malaise est patent; vitrine exemplaire, pas d’épidémie, une vaccination poussée et l’épidémie s’emballe quand 92% de la population  des plus de 12 ans est vaccinée. Est-ce grave docteur ? Les détracteurs s’engouffrent dans la brèche, y voyant la preuve de l’échec monumental de la campagne vaccinale intensive.

Urgence oblige, le quotidien de référence, Le Monde, pour ne pas le nommer, commissionne sa brigade de «décodeurs».

Fi du journalisme d’investigation, il s’agit  d’un recollement de morceaux soigneusement sélectionnés pour répondre aux besoins de la cause,  traduits de numéros du Straits Times des 8 juin, 21 octobre et 23 octobre, ainsi que de   Radio France International  du 9 octobre. Avec son florilège d’explications alambiquées que ne renierait pas notre inoxydable ministre: ‘Si l’épidémie explose de manière historique, c’est, en effet, parce que le virus ne circulait tout simplement pas dans la ville-état jusqu’à présent, ou très peu. Profitant de sa situation insulaire, Singapour a longtemps adopté des mesures extrêmement strictes : restrictions des entrées aériennes, quarantaines forcées, contact-tracing. Celles-ci ont permis de largement protéger la population du virus mais au prix d’un important ralentissement des échanges économiques et d’un impact majeur sur la vie quotidienne. De ce point de vue, la hausse du nombre de cas n’est pas une illustration de l’échec des vaccins – ils n’empêchent pas toujours la transmission – mais une conséquence attendue d’un choix politique qui repose, au contraire, sur la protection vaccinale.

A ce raccourci bien idyllique, je me permets d’ajouter que l’affirmation de mesures sanitaires strictes ayant permis à elles seules la maîtrise de l’épidémie est une affirmation péremptoire, qui n’a jamais été confirmée à l’échelle mondiale, pire, elle a même été infirmée par un des épidémiologistes les plus renommés, le Professeur Ioannidis. Par ailleurs, ces mesures très strictes  ont consisté en des dépistages visant à isoler des foyers, mais jamais en des confinements aveugles comme chez nous.

Et un choix politique reposant sur la protection vaccinale ? Pourquoi alors avoir omis de mentionner la stratégie complète dans la lutte contre l’épidémie, développée par trois ministres, exposée dans le Straits Times du 8 juin, qui mentionne comme un des leviers d’action : ‘Les traitements vont s’améliorer. Aujourd’hui nous disposons d’un large éventail de traitements efficaces, ce qui explique que le taux de mortalité de Singapour soit l’un des plus bas au monde. Nous avons de nombreuses thérapies qui ont fait leurs preuves, que ce soit pour les malades sévèrement atteints, ou pour améliorer les temps de récupération et réduire la progression de la maladie, sa sévérité et sa mortalité.

Il y aurait donc des traitements efficaces, et ils jouent un rôle en complément de la vaccination ! Beau mensonge par omission de la part de nos décodeurs. Omission cruciale car elle montre que sans polémiquer sur l’efficacité vaccinale sur les premiers mois de l’année, l’utilisation de traitements reconnus comme efficaces a joué un rôle important, sans qu’il soit possible faute de recul d’évaluer les efficacités respectives avec précision. Quant à la formulation du Monde, sur ‘la conséquence attendue d’un choix politique’ faisant passer de 30 morts en une année à plus de 500 en moins de deux mois, elle me semble  pour le moins malheureuse ! Mais il ne faut pas trop espérer de la finesse de la part de décodeurs bruts de fonderie. On continue le décoffrage  avec le décoffrage: ‘L’ampleur de la vague témoigne, néanmoins, de l’incapacité des vaccins à endiguer la transmission du variant Delta, plus contagieux, même avec un taux de vaccination supérieur à 80 %‘ (ah, quand même!) ‘Dès juin, en effet le Delta s’est imposé comme  l’unique variant infectant le pays, et serait une raison de moindre efficacité des vaccins; il est reconnu comme ayant été plus contagieux, mais aussi beaucoup plus bénin, à travers le monde, alors comment expliquer la reprise d’une épidémie quasiment éteinte jusqu’au mois d’août ?

A cet instant on devine l’argument qui va sortir du chapeau: les responsables sont les non-vaccinés, on connaît ce refrain par cœur. La ‘science’ va à nouveau parler : ‘Selon les calculs du Straits Times, les personnes non vaccinées ont huit fois et demie plus de risques de mourir du Covid-19.’

Des calculs !! Nous aurions été ravis de les découvrir, mais les décodeurs les ont gardé dans leur musette. Et pour cause, aucun calcul savant dans cette affaire, mais une affirmation du média singapourien dans un article du 21 octobre, sur la base des chiffres de mortalité d’octobre, dont je reprends le principe de base  de ce calcul tout en l’explicitant.

Ce taux de mortalité est établi comment ? En théorie c’est le rapport nombre de décès/population donnée. Mais le problème est: combien VRAIMENT de vaccinés ? combien de non vaccinés ? On peut penser qu’il s’agit de la population globale de chacun de ses groupes, pour cela on prendra la valeur de 84% de vaccinés qui semble retenue à la période indiquée, pour une population nationale, arrondie à 6 millions d’habitants, d’où le petit calcul que nos décodeurs n’ont pas daigné faire, imbus de leur autorité auto-proclamée qui pousse un lecteur fainéant à les croire sur parole.

Prenons les chiffres évoqués :

  • 84 décès parmi les non vaccinés sur 169 :16% de la population, soit un taux de 84/960000 = 0,875/10000
  • 30 décès parmi ceux ayant reçu une dose
  • 55 décès parmi ceux ayant reçu les deux doses :84%  de la population soit un taux de  55/ 5040000 = 0,109/10000  soit un rapport  légèrement supérieur à 8, à peu près concordant, si on prend en compte de petites variations sur les populations mentionnées.
Source : graphique issu du Straits Times, sur la base de données du ministère de la santé de Singapour

A noter que le journal local du 21 octobre citait en préalable à la divulgation de ces chiffres, la proportion de 3/4 pour les non vaccinés, or même si on incorpore les vaccinés une dose à ceux-ci , 55/169 c’est plutôt proche du tiers !On observe aussi le manque d’information sur la répartition suivant les classes d’âge, qui provoque systématiquement des biais statistiques.

Donc même si les chiffres sont corrects, le décompte des vrais morts covid restant toujours litigieux, on comprend qu’en tout état de cause, nous sommes loin d’une apocalypse dévastatrice. En effet, ce qui est caché derrière cette formule volontairement inquiétante de prime abord, ‘huit fois plus de risque’, c’est que le risque de mourir pour un non vacciné n’est que de 1 sur 11 400, et celui d’un vacciné de 1 sur 92000. De  nature à sonner l’alarme ? Selon les ‘experts’, oui !

L’urgence pour les non-vaccinés de recevoir leur injection est arrivée à un point critique.

Straits Times du 21/10

Un article du 23/10, reproduit  l’intervention du Ministre de la Santé du 20/10 , dont Le Monde, extrait : ‘Nous avons un groupe de seniors qui sont toujours non vaccinés. Ils pèsent 1,5 % ou légèrement moins de la population totale, et sur les vingt-huit derniers jours, ils représentaient les deux-tiers des occupations en soins intensifs et des morts‘.

Mais il ajoute, ce que Le Monde n’a pas cru bon de citer :
Les 28 derniers jours, 98,6% des infectés  sont des cas bénins ou asymptomatiques.’ Nouveau mensonge par  omission des décodeurs.

On a au moins compris le message. La faute est bien aux non vaccinés, seniors à risque, soit  1,5% de la population qui provoque une telle flambée de morts dans un pays quasiment totalement vacciné ! Alors qu’aucun mort n’est à déplorer les trois premières semaines de septembre avec fort peu de cas, pourquoi lancer une campagne de ‘rappel’ au moment où on aurait pu parler de succès ? Malheureusement, la suite voit l’amplification de la dégradation analysée plus haut, et nous sommes impatients de lire une nouvelle intervention de la brigade mondaine. En effet du 21 octobre au 7 décembre on compte 510 morts de plus, soit 774 au total, (ce qui donne une mortalité de 113 par million, somme toute assez faible comparée aux pays européens) tandis que la vaccination a poursuivi sa croissance avec un taux de 96% au 7  décembre (sur la population des plus de 12 ans), et la piqûre de rappel qui avait débuté fin septembre  atteint 29% de la population au 7 décembre, un des taux les plus élevés au monde pour une si courte période. Il serait intéressant de comptabiliser le nombre de décès imputés aux ‘bénéficiaires’ des triples doses. 

Un esprit mal tourné pourrait perfidement suggérer la forte corrélation entre l’aggravation radicale de novembre et l’intensification de la campagne de rappel mais on pourra toujours se raccrocher à l’idée que moins de 1,5% de la population a un pouvoir hyper contaminant et que le variant delta est beaucoup plus mortel qu’ailleurs !

Les données chiffrées sont tirées de  (The Straits Times ‘Tracking Singapore’s Covid-19 vaccination progress‘, constamment actualisé)

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